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ANTOINE MOREAU-DUSAULT

Au Cameroun, la mort au bout de la piste

Par  (Yaoundé, correspondance) et
Publié le 17 février 2020 à 01h02, modifié le 17 février 2020 à 19h35

Temps de Lecture 9 min.

« BH, tu vas mourir ! » Cette menace d’un militaire camerounais n’a rien d’une parole en l’air. La femme qu’il accuse d’appartenance au groupe djihadiste Boko Haram (BH), est condamnée. Sur cette vidéo, postée sur les réseaux sociaux en juillet 2018, on voit le soldat en question, lunettes de soleil et fusil d’assaut, gifler et traîner par le cou une quadragénaire vêtue d’un boubou en loques. Elle tient sa petite fille par la main mais ne peut la regarder. Juste derrière se tiennent un soudard à l’œil torve et des villageois haineux. Une autre prisonnière est là, elle aussi accusée d’être une « BH ». Elle porte un tee-shirt rose, sa taille est entourée d’un morceau de pagne. Sur son dos, un bébé.

La scène se passe entre mars et avril 2015 sur une piste de l’extrême nord du Cameroun bordée de plaines arides et de collines recouvertes de champs en terrasses. Désignées sans preuves, les deux suppliciées ont été arrêtées le long de la frontière avec l’Etat nigérian du Borno, infesté de djihadistes et de contrebandiers. Ont-elles été abandonnées, quelques heures plus tôt, au cours de combats avec les militaires ? Glanaient-elles des renseignements au sein de la population pour le compte des « BH » ? Elles n’auront pas le temps de s’expliquer. Cette piste de Zeleved, village pauvre et reculé, est un couloir de la mort où les voici bientôt agenouillées, les yeux bandés. Trois soldats camerounais les exécutent à bout portant, ainsi que leurs enfants. Des images qui, diffusées sur Internet trois ans plus tard, provoqueront une indignation internationale.

La « guerre » déclarée à Boko Haram

Longtemps considéré comme une zone de repli et de ravitaillement par les cadres de la secte salafiste nigériane devenue groupe djihadiste, le Cameroun n’est alors plus épargné par leur folie meurtrière. Au mois de mai 2014, le vieux président camerounais Paul Biya, alors de passage à Paris, déclarait la « guerre » à Boko Haram. Un an plus tard, le brutal et fantasque chef des « BH », Abubakar Shekau, le mettait en garde : « Paul Biya, si tu ne mets pas fin à ton plan maléfique, tu vas avoir droit au même sort que le Nigeria ».

L’important déploiement de l’armée et des unités d’élite encadrées par des ex-militaires israéliens, ne suffit pas à contenir les assauts des « BH », dont une branche a prêté allégeance, en mars 2015, à l’organisation Etat islamique. Ils incendient et pillent les villages, kidnappant ou massacrant les civils. D’autres acteurs surgissent alors sur le champ de bataille, le plus souvent armés de pétoires et d’arcs aux flèches empoisonnées : des villageois, organisés en « comités de vigilance », des groupes d’autodéfense encouragés par le pouvoir politique et les chefferies traditionnelles. Devenus des supplétifs de l’armée, certains en profitent pour régler des comptes, quitte à amplifier les violences perpétrées par les soldats et les djihadistes.

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