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CPI : L’ancien Président ivoirien, Laurent Gbagbo, en procès

Il est nécessaire d’agir concrètement contre les forces pro-Ouattara

(La Haye) – Le procès devant la Cour pénale internationale de l’ancien Président ivoirien Laurent Gbagbo et de son ancien ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé, qui s’ouvre le 28 janvier 2016, montre que la justice peut atteindre des personnes qui ont pu paraître à un moment donné intouchables, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Des victimes de violences liées à la crise postélectorale de 2010, assises devant le Palais de Justice à Abidjan le 17 juin 2013, lors d’une manifestation en faveur de poursuites judiciaires par la Cour pénale internationale de l’ancien Président de la Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo.  © 2013 Reuters

En décembre 2010, le refus de Gbagbo d’admettre la victoire d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle a conduit à des violences et finalement à un conflit armé. Au moins 3 000 civils ont été tués et plus de 150 femmes ont été violées au cours du conflit, les deux parties ayant commis de graves violations des droits humains.
 

« Le procès de Gbagbo est un avertissement pour ceux qui seraient prêts à utiliser tous les moyens nécessaires pour s’accrocher au pouvoir », a remarqué Param-Preet Singh, conseillère senior au programme Justice internationale de Human Rights Watch. « Aujourd’hui, les victimes des crimes innommables commis par les forces pro-Gbagbo sont sur le point de voir enfin la justice rendue. »
 
Les unités d’élite des forces de sécurité étroitement liées à Gbagbo ont enlevé des dirigeants politiques de quartier liés à la coalition de Ouattara, les enlevant de restaurants ou de leurs domiciles. Plus tard, leurs proches ont retrouvé à la morgue les corps criblés de balles des victimes. Les femmes politiquement actives ou qui portaient tout simplement des tee-shirts pro-Ouattara, ont été prises pour cible et, souvent, ont été victimes de viols collectifs commis par les membres de forces de sécurité et de milices sous le contrôle de Gbagbo.
 
Les miliciens pro-Gbagbo installés à des postes de contrôle ont intercepté des centaines de partisans réels ou présumés de Ouattara, les exécutant à bout portant, ou les brûlant vifs. Dans l’ouest du pays, les miliciens de Gbagbo et des mercenaires libériens alliés ont tué des centaines de personnes, choisissant la plupart de leurs victimes seulement sur la base de leur appartenance ethnique.
 
L’ancien Président de la Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo assiste à une audience de confirmation des charges tenue par la Chambre de première instance à la Cour pénale internationale à La Haye, le 19 février 2013.  © 2013 Reuters
 
Les autorités ivoiriennes ont remis Gbagbo et Blé Goudé à la CPI fin 2011 et en mars 2014, respectivement. La CPI a également cherché à arrêter l’épouse de Gbagbo, Simone, sur quatre chefs d’accusation pour crimes contre l’humanité, alléguant qu’elle avait agi comme « alter ego » de son mari pendant la crise de 2010-2011, mais la Côte d’Ivoire ne l’a pas encore remise à la CPI.
 
En mars 2015, un tribunal ivoirien a condamné Simone Gbagbo pour crimes contre l’État commis durant la crise de 2010-2011, mais elle doit encore être jugée devant les tribunaux ivoiriens pour son rôle dans des violations de droits humains. Sa condamnation a été également marquée par des préoccupations en matière de procédure régulière.
 
En mai, la CPI a confirmé l’obligation légale de la Côte d’Ivoire de remettre Simone Gbagbo à la CPI, en accord avec le Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI. La Côte d’Ivoire est devenue membre de la CPI en 2013. Les autorités ivoiriennes ont indiqué qu’elles enquêtaient sur le rôle de Simone Gbagbo dans les violations des droits humains.
 
« Simone Gbagbo devrait se trouver à La Haye pour répondre des allégations selon lesquelles elle faisait partie du ‘cercle rapproché’ responsable des exactions effroyables perpétrées par les forces pro-Gbagbo », a déclaré Param-Preet Singh. « En tant que membre de la Cour, la Côte d’Ivoire devrait la remettre à la CPI. »
 
De violents crimes ont également été commis par des forces loyales à Ouattara, en particulier après le lancement d’une offensive militaire en mars 2011 visant à prendre le contrôle du pays. Village après village dans la partie située à l’extrême ouest du pays, des membres des Forces républicaines fidèles à Ouattara ont tué des civils appartenant à des groupes ethniques liés à Gbagbo, dont des personnes âgées dans l’incapacité de fuir ; ils ont violé des femmes et réduit des villages en cendres. Plus tard, au cours de l’offensive militaire destinée à prendre le contrôle d’Abidjan et à consolider leur main-mise, les Forces républicaines ont encore exécuté un grand nombre d’hommes issus de groupes ethniques liés à Gbagbo, parfois sur les lieux mêmes de leur détention, et en ont torturé d’autres.
 
La CPI n’a encore porté aucune accusation contre des membres des forces pro-Ouattara, même si la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a insisté à maintes reprises sur l’impartialité des enquêtes de son bureau. Elle a également affirmé que des enquêtes sur les forces pro-Ouattara étaient en cours. Les enquêtes de la CPI sur les forces pro-Ouattara ont été rendues encore plus difficiles par les déclarations du Président Ouattara qui a affirmé en avril qu’il ne transfèrerait aucun futur suspect à la CPI, et que tous les procès à venir se dérouleraient devant des tribunaux nationaux. 
 
Même si les juges ivoiriens ont récemment fait des progrès dans les enquêtes sur les forces pro-Ouattara, des préoccupations demeurent quant à la capacité du pays à traduire en justice les criminels dans des procédures impartiales, indépendantes et régulières. En juin, des informations crédibles ont indiqué que des pressions avaient été exercées par l’exécutif sur les juges d’instruction pour qu’ils mettent prématurément un terme à des enquêtes importantes sur des violations des droits humains. Même si ces enquêtes ont finalement pu progresser, il existe d’autres préoccupations qui doivent être abordées, portant sur une faible indépendance judiciaire, le manque de protection pour les témoins, les juges et les procureurs, ainsi que l’absence d’un droit d’appel véritable pour les personnes reconnues coupables d’un crime. 
 
« Les progrès prometteurs réalisés pour traduire en justice les personnes responsables des violences postélectorales dans des procès nationaux ne doivent pas faire oublier les nombreux défis auxquels le système judiciaire ivoirien est confronté pour rendre une justice équitable et crédible », a conclu Param-Preet Singh. « L’enquête en cours de la CPI sur les crimes commis par le camp Ouattara demeure un moyen décisif pour que les victimes obtiennent justice. »

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Koaci.com 27.01.16   

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